Alice et David Bertizzolo forment un couple d’artistes plasticiens. Ils vivent et travaillent au Luxembourg. Ils sont tous les deux d’origine italienne, issus de familles ayant beaucoup migré, ce qui marquera leur recherche artistique.
David Bertizzolo a étudié à l’Ecole des Beaux-arts de Digne-les-Bains. Il intègre ensuite l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble en 2000. L’architecture lui semble alors la fusion parfaite entre création, technique et travail de la matière. Il sera architecte et coordinateur de chantier durant quelques années.
A partir de 2001, Alice Bertizzolo étudie les arts vivants et la scénographie avant d’entamer des études en philosophie. David Bertizzolo travaille quant à lui en tant qu’assistant d’enseignement au sein de la chaire UNESCO de l’architecture de terre (CRATERRE). Leurs œuvres sont pensées à l’origine comme géopoétiques, elles prennent place dans l’immensité des espaces naturels et sont basées sur l’exploration des espaces géographiques et sur la notion de territoire.
C’est en 2012 que Alice et David Bertizzolo commencent à travailler la construction d’œuvres monumentales impactant fortement le paysage, qu’il soit urbain ou naturel, inspirés par des artistes comme Walter De Maria, Michael Heizer, Richard Long, Robert Smithson, Nils Udo ou Andy Goldsworthy.
Dès lors, ils commencent à travailler en immersion dans les lieux d’exposition. Le travail est alors axé autour de la notion d’usage, valeur chère à la pensée architecturale. Les artistes vont à la rencontre des habitants, des élèves, d’une communauté religieuse, d’ouvriers. Ils mettent en place des ateliers, médiations, workshops participatifs, véritable temps de rencontre autour de leur pratique et d’appropriation du projet par ses usagers.
Leur pratique est pensée autour des concepts de l’art public. Ils envisagent la création comme une possibilité d’enracinement du lien social en symbiose avec la ville, la sociologie, l’Histoire ; ce qui constitue le topos du lieu d’exposition.
Symbiose de la sculpture dans l’espace et de l’analyse conceptuelle d’un lieu, leur travail, monumental, in situ, est l’expression d’un désir : celui de capturer le temps, d’immortaliser un mouvement dynamique en jouant sur les échelles macro et micro. Leurs œuvres sont liées à l’optique, le mouvement, les jeux de lumière, l’interactivité, la cinétique, le vivant. Leurs installations, pourtant fixes, donnent l’illusion d’un mouvement, de variations.
Les propriétés scientifiques du vivant sont au centre de leurs recherches actuelles qui interrogent les dynamiques biologiques non plus comme espaces inertes fermés mais plutôt comme un réseau interconnecté d’échanges permanents.
L’histoire familiale des artistes les mène vers une réflexion sur la question des frontières, des territoires d’adoption, des mouvements migratoires dans un jeu de miroir avec le vivant.
Le grand père de David, Italien, travaillait en tant que maçon à Luxembourg dans les années 1950. La famille Italienne d’Alice comptait des architectes exerçant en Tunisie au même moment. Les italiens étaient impliqués fortement dans le milieu de la construction durant cette période.
Leur démarche artistique prend sa source dans la construction mais également le lieu du chantier. Le chantier est un lieu en devenir, une liaison entre l’ancien et le nouveau. Ce qui inspire les artistes c’est la tension qui existe entre l’inerte et le vivant, c’est un futur en jachère. Les travaux de construction cherchent à repousser le vivant, c’est un combat contre la terre, les mauvaises herbes, les éléments, pour construire un bâtiment de béton. Il y a une force vitale extraordinaire tenue dans un végétal qui perce sa place dans le béton. Les tensions inhérentes à ce lieu en devenir qu’est le chantier prend la forme d’une lutte, d’un combat dont la beauté est fugace car éphémère, la logique de la construction exigeant une exécution rapide.
Ainsi, leur travail questionne la capacité d’enracinement du vivant en tension avec la violence du tangible et de la construction à tout prix. Il y a une analogie du déracinement entre les migrations des populations et la propagation des « adventices » ou « mauvaises herbes » qui se joue sur la scène du chantier. La nature en chantier, est ce moment, fugace, où se joue encore une lutte violente. La nature a horreur du vide.